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BRUISSEMENT DE MOUSSE

RÉCIT DE VOYAGE

Recherche-création amorcée au TOKAS (Japon)

Exposition le 14 mars 2020

PRÉSENTATION
 

À l’hiver 2020, j'ai été en résidence de création au Japon, au Tokyo Arts and Space (TOKAS), grâce au soutien du CALQ pour amorcer «Bruissement de mousses», une recherche autour de la conception esthétique, philosophique et spirituelle des mousses (bryophytes) dans la culture japonaise.

 

La pandémie a écourté mon séjour et le projet n’a pas pu aboutir pour le moment. Mais la patience, la résilience et la persévérance qu’inspirent les mousses confirment que ce projet se déploiera au cours des prochaines années, lorsque le moment opportun se présentera. En attendant, voici quelques traces partagées de ce séjour.

 

Les mousses ne demandent que du temps, de la tranquillité et de l'ombre pour croître. Pour qu'elles nous révèlent leur splendeur, les mousses exigent d'adopter une posture des plus humbles : le ventre au sol, l'attention dirigée vers une autre échelle de perception afin que d'autres paysages s'ouvrent sous nos yeux. Le corps en prière, l’attention tournée vers la beauté du trivial.

 

Les mousses sont appréciées, respectées et cultivées autour de nombreux temples et jardins japonais. J'ai découvert au Japon, notamment dans la spiritualité shintoïste, un rapport sacré à la nature, aux pierres, aux arbres et aux éléments. Cette posture humble face à la sacralité de la nature a nourri le projet de maintes manières. Lors de mon séjour, j'ai visité les régions de Kyoto, Ohara, Kamakura, Nara et Tokyo pour photographier et filmer des mousses, autour des temples tout comme dans les plis des trottoirs. Ces images m’ont permis de créer un corpus de tableaux au TOKAS : en effet, bien que ma démarche artistique m’amène maintenant à privilégier les projets chorégraphiques, j’ai été peintre avant d’arriver à la danse et j’ai saisi cette occasion pour renouer avec ce médium, d’autant plus qu’il n’y avait pas d’espace pour danser au TOKAS. J’ai donc peint des tableaux de mousses sur des cartes géographiques trouvées, jouant avec les différentes échelles de perception macro et microscopiques. J’ai également développé une série photographique de « postures » d’observation de mousses dans les villes et près des temples, exposée lors de l’ouverture studio du TOKAS le 14 mars 2020.

 

L’intérêt pour les mousses dans la culture japonaise m’a amenée à suivre un cours de « koke terrarium » (terrarium de mousses); rencontrer un éminent bryologue directeur du jardin botanique de Tsukuba qui organise des randonnées d’observation de mousses en forêt l’été; visiter le musée du Bonzai où l’on créée des « koke dama » (boules de mousses décoratives) et y découvrir l’art de « suiseki » (roches précieusement sélectionnées et montées sur un piédestal qui en suit la forme). Ces expériences ont attisé mon intérêt pour l’art d’« accompagner » la nature dans la création; révéler la beauté de ce qui est déjà là, avec attention et patience.

 

Pendant mon séjour à Tokyo, j’ai également pris quelques leçons de Nihon-buyo et de Butoh pour nourrir ma réflexion autour de l’attention portée aux détails, inhérente à ces deux pratiques japonaises du mouvement. Le Nihon-buyo est une danse très précise et contenue, où le corps est contraint par le yukata, l’obi et la manipulation d’un mai-ogi (éventail). J’ai découvert des parallèles inattendus entre mon approche chorégraphique ancrée dans le flamenco et le Nihon-nuyo; le rapport à la musique et l’accompagnement du chant, la frappe au sol pour marquer le rythme, la précision de toutes les parties du corps aux mouvements codifiés. À l’inverse, mes ateliers de Butoh m’ont fait plonger dans les sensations et une présence à l’instant constamment affinée, sans aucune forme corporelle pré-établie, mais dans une même sensibilité aux détails.

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